Photo 2004 à la fontaine des Trevi, à Rome, après avoir donné une conférence sur
le retournement de la sphère au département de mathématiques de l'université
le retournement de la sphère au département de mathématiques de l'université
Photo 2005. En vol au dessus du lac d'Annecy
Je n'aime pas les biographies où les gens font figurer la tête qu'ils avaient x années plus tôt. Les Bogdanoff me font de la peine, que je connais depuis 25 ans. Je les ai revus de près sur un plateau de télé, il y a deux ans. Ils ont les cheveux teints, des lentilles de contact bleues. S'ils perdent leurs cheveux ( si ça n'est pas déjà fait ) demain ça sera la perruque. Combien de temps cela pourra-t-il durer ainsi ? Je les connais bien, depuis longtemps. Ils sont criblés de dettes. Leurs thèses : dix ans de nuits blanches, à travailler sans être payés, sans bourse, rien. Bien sûr, des conneries, ils en font, à la pelle, sur tous les plans. Je suis bien placé pour le savoir. Il possèdent toujours dans le sud-ouest un château- courants d'air qui n'est un gouffre à fric et qu'ils auraient pu revendre il y a quinze ans et au moins repartir à zéro, apurer leurs dettes. Mais leur orgueil s'y est opposé. Vivant tragiquement en dehors des réalités, ils mourront démunis, malades, avec le sourire. Tout cela m'attriste, d'autant plus qu'ils ont fait foirer la seule solution qui les aurait durablement tirés des la merde : une série de BD avec eux comme personnages. L'idée venait d'eux et ça nous aurait rapporté de l'argent. Mais travailler avec " le Bogda " est une chose impossible. J'ai fini par jeter l'éponge il y a trois ans.
Je vois les blogueurs, prudemment couverts par leurs pseudonymes et les scientifiques s'acharner sur eux, comme ce roquet de Woit ( " Même pas fausse ", chez Dunod ) qui leur règle soigneusement leur compte dans son livre. Un homme sans envergure qui, comme beaucoup d'autres, comme Michael Greene, se voit un temps porté sous les feux de la rampe. Ou comme Reeves qui, tout surpris, se voit vieillir et, après les conférences payantes, demande de l'argent pour se faire interviewer. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.
Après cette parenthèse, voilà la tête que j'ai, en octobre 2008. Les bésicles, on les voit pendre, et la canne est hors champ :
JPP , octobre 2008
Une vidéo d'une conférence donnée en janvier 2002 par l'auteur au festival Science Frontière de Cavaillon, qui tourne autour de l'avion hypersonique américain Aurora et des mystères du B2. Pour accéder à cette vidéo, cliquez sur :
De interviews de l'auteur, en radio (émission de marc Ménant sur Europe 1 ) :
- 1ère partie : http://ufoweb.free.fr/JPP_1.rm
- 2ème partie : http://ufoweb.free.fr/JPP_2.rm
- 3ème partie : http://ufoweb.free.fr/JPP_3.rm
- 4ème partie : http://ufoweb.free.fr/JPP_4.rm
..A Paris, à la veille des années cinquante, n'ayant pour tout horizon qu'une étendue d'asphalte, un gamin de dix ans s'ennuie.
..Il est perplexe. Le matin même, au Lycée Carnot lequel, construit par Eiffel, ressemble à s'y méprendre à une prison centrale, son professeur de français lui a lancé :
- Mais, Petit, la vie est faite pour s'emmerder !
..Né dans une famille pauvre, il rêve de découvrir le monde, lit Jack London et Jules Vernes, comme tous les gamins de cette époque. Au lycée, on peut dire qu'il s'intéresse à tout, sauf au programme de l'année. Pendant les cours, l'esprit en vadrouille perpétuelle, il pense à autre chose, à mille autres choses. Son professeur de français :
- Votre dissertation est assez bonne. Mais pourquoi n'avoir pas traité le sujet proposé ?
..Ses moyens matériels ne le lui permettent pas d'échapper à son horizon parisien : le macadam d'une rue triste. La fenêtre de sa chambre donne sur une cour aux hauts murs lépreux et il doit se distordre le cou pour apercevoir le ciel. ....A douze ans, un jour, il observe les allers et venues d'un petit avion bleu, un "Norécrin", avec lequel un pilote de la seconde guerre mondiale donne des baptêmes de l'air. Petit donnerait n'importe quoi pour monter dans cette machine. Il a alors une idée, propose au pilote de lui dessiner un prospectus, de trouver un imprimeur et de distribuer ce papier dans des hôtels.
- C'est une bonne idée, répond l'autre. Ca m'amènera de la clientèle. Mais que me demanderas-tu en échange ?
- Monsieur, apprenez-moi à piloter
..L'homme donne son accord. Petit dessine le prospectus, le fait imprimer, passe des semaines à sillonner la région sur sa bicyclette en remplissant les boites aux lettres des hôtels et des villas. Et ça marche. Le pilote :
- Bon. Quand je partirai et qu'il y aura de la place dans l'appareil, je te mettrai en place avant. Demande à tes parents une autorisation. Je crois qu'il faudra mettre deux gros coussins sur le siège, sinon tu ne verras pas devant toi.
..Le lendemain, Petit voit la Terre s'éloigner et défiler sous ses ailes les salins de Guérande, scintillant dans le soleil...Dès les premières minutes, il parvient à piloter l'appareil, intègre tout. Trente minutes après, c'est lui qui est aux commandes. Le "Norécrin" arrive à la hauteur du clocher du village de l'Escoublac et un des clients de ce vol, le curé de ce village demande à ce qu'on fasse un 360° autour de celui-ci pour qu'il puisse signaler à ses ouailles que c'est lui qui est dans l'appareil, en jetant du papier wc par le hublot d'aération de la cabine. Le quatrième passager de l'avion est son bedeau.
Réalisant soudain que c'est l'enfant qui pilote l'appareil, le brave curé se signe.
Cette expérience est décisive. En paraphrasant Desproges, c'est comme si Petit s'était dit soudain :
- Oui, il y a bien une vie avant la mort.
Ses parents comprennent mal son audace.
- Il irait parler au pape, a coutume de dire sa mère.
..De retour à Paris, il se passionne pour l'aviation, ce qui le fera huit ans plus tard atterrir à Supaéro, à l'époque où cette école était encore située à Paris, Boulevard Victor, à côté du Ministère de l'Air. Cette année-là, certains moins de quinze ans qui visitent le salon de l'aéronautique ont droit, par tirage au sort, à un baptême de l'air, au Bourget, sur des "Dakota", de vieux DC3 réchappés de la campagne de France et des raids de parachutage. Le sort est favorable à Petit. Les enfants sont accueillis par des hôtesses militaires en chemise bleu ciel. Petit dit à celle qui est affecté à son avion :
- Je sais piloter.
..L'hôtesse, les pilotes, rient. En ce début des années cinquante, dans la bouche d'un gamin habillé modestement, ceci ne peut être qu'une forfanterie. Le copilote se lève de son siège :
- Eh bien, ce petit monsieur va nous montrer ce qu'il sait faire ! ...
..sPetit ne se le fait pas dire deux fois et se retrouve aux commandes d'un bi-moteur, enchaîne des virages corrects, mais le pilote refuse de le laisser ramener l'appareil au terrain et le poser...Scolairement, c'est toujours la galère, mais les vacances changent de ton. Le dessin constitue-t-il une issue pour ses problèmes d'argent ? Petit apprend à dessiner, seul, commence à vendre ses œuvres, dans les rues. L'été, il part à l'aventure, un carton à dessin sous le bras, mange ce qu'il gagne, se passionne pour l'Italie, l'Espagne, fait des milliers de dessins, qu'il sème derrière lui. Ce talent lui permet de communiquer avec des tas de gens (il l'utilisera des années plus tard lors qu'il fut guide de safaris, au Kenya). ..A Venise, où le propriétaire d'une verrerie lui propose un stage, il apprend à souffler en verre. En Espagne, il s'intègre à la communauté des gitans du Sacromonte, au pied de l'Alhambra, achète une guitare, apprend à en jouer, composera par la suite quarante chansons, devenant chanteur de rues. ..Il devient aussi graveur, lithographe, sculpteur, peintre, vend ses gravures, ses lithos, ses peintures, dans la rue ou dans des galeries. ..C'est aussi un aventurier-né. Dans ces années cinquante, la plongée sous-marine en est à ses débuts. Aidé de copains de son âge, Petit explore les fonds marins du midi avec une cloche à plongeur fabriquée avec un vieux baril d'huile. Mais la plongée est un sport cher. Broussard, qui fonde, à Cannes, la première école de plongée, lui dit :
- Quand on a pas d'argent, on ne plonge pas !
..Petit se gèle les doigts à dessiner dans les rues tout l'hiver suivant et achète, avec ses amis, une première bouteille de plongée. Mais lui est sa bande n'ont pas assez d'argent pour compléter cela avec un habit. Ils plongent à quarante mètres avec des pull-over, manquent de périr de froid, mais ramènent du corail, le vendent, ce qui paye l'habit de néoprène...Petit découvre alors Marseille et se lie d'amitié avec des plongeurs qui vivent du ramassage des "cruches", c'est à dire des amphores. Il s'intègre à eux, travaille avec eux, vit une vie d'aventurier, pendant que ses camarades d'école voient ces choses-là au cinéma. ..La scolarité pose toujours autant de problèmes. Petit a la capacité de mémoriser les relations entre les objets, pas les objets eux-mêmes. Il comprend, intègre, mémorise les mécanismes, pas les rouages. En histoire, il est incapable de se souvenir de la moindre date. Apprendre par cœur des vers latins est un supplice. Il lui faut des heures pour mémoriser ce que d'autres apprennent en quelques minutes. Le "par cœur" n'est pas sa tasse de thé (à près de soixante trois ans il lui faut des semaines pour mémoriser correctement son propre numéro de téléphone). Il a aussi très peu de disposition pour les choses qui ne l'intéressent pas vraiment. Le proviseur du Lycée Carnot aura l'intelligence de ne pas jeter à la porte ce cancre déconcertant.
- Que voulez, je ne comprends rien à ce gosse. Il a des zéros partout. Mais un jour son professeur d'histoire a demandé aux élèves "de citer les noms de quelques peintres flamands". Il en mis dix pages, en décrivant avec précision des masses d'œuvres.
...Petit connaît le Louvre et le "dictionnaire des animaux", de Larousse, de A à Z, sait ce que sont un oryctérope et un rhizome de Cuvier, ce qui fera de ses professeurs de sciences naturelles des alliés fidèles. Quand des livres lui plaisent, il les dévore et les mémorise, ou en mémorise du moins la trame, puisqu'il est incapable de mémoriser le mot à mot.
Il lit n'importe quoi : Kravchenko, Cocteau, Reich.
...Il s'agit d'une autre époque. Il se souvient que quand il avait dix ans, son professeur de français avait dicté à ses élèves un texte de Louis Pergaud.
- Qui a lu un ouvrage de Louis Pergaud? demande l'enseignant.
- Moi, répond Petit, qui lève le doigt.
- Ah oui, lequel ?
- La Guerre des Boutons.
- Ah... eh bien, jeune homme, vos lectures sont bien mal surveillées ! ...
Son professeur d'anglais de cette époque, à propos d'un texte, lance à la classe.
- Qui sait, parmi vous, ce qu'est le char de Jaggenernaut ?
Petit, dix ans, lève la main.
- C'est un char rituel qu'on promène dans les rues, aux Indes, une fois l'an. Si les fidèles parviennent à périr sous ses roues, ils sont assurés d'accéder au Nirvana.
...Le brave homme est stupéfié. Dans la langue anglaise "se jeter sous les roues du char de Jaggernaut" évoque quelque entreprise insensée, qui ne peut se terminer qu'en catastrophe....C'est le temps du bac, moins difficile, certes, que de nos jours. Petit s'en tire de justesse, à la session de rattrapage, en septembre. Seul l'oral lui permet de compenser un écrit exécrable. Il arrive aux épreuves d'anglais et de latin avec des livres pliés maintes fois, qui s'ouvrent comme des ressorts sur des pages qu'il a spécialement préparées et dont il a, avec beaucoup de difficulté, appris les traductions par cœur.
Ca marche. Le professeur de latin, impressionné, lui dit à l'issue de cette épreuve :
- Je viens d'entendre pendant des jours des élèves ânonner. Vous au moins, "vous savez du latin".
...En fait, Petit a navigué dans le texte tendu comme un pilote dans le brouillard, s'efforçant de repérer la phrase où il lui faudra arrêter sa récitation....En français on lui tend des vers de Racine, dont il ne connaît que le nom. L'ambiance devient lourde. Soudain il démarre comme une fusée sur Voltaire, et parle une heure d'un de ses auteurs préférés, heureusement dans le programme. L'enseignant sourit et donne une bonne note. ...En chimie, il a le culot de traiter une autre question que celle qui lui avait été demandée. L'enseignant, troublé, ne va pas plus loin. ...Il sait qu'il lui faudra faire des études coûte que coûte, sinon ça sera la "mise en apprentissage". Il a retrouvé un de ses anciens camarades d'école, un certain Nicolas, qui vend tristement des clous dans une quincaillerie, avec une blouse bleue. Echapper de justesse aux fours crématoires.
Né en 1937, J.P.Petit a trois ans au moment de l'invasion de la France par les troupes Allemandes. Le ménage de ses parents a déjà explosé et le père est reparti pour son pays d'origine, l'Espagne. La famille paternelle est catholique, très pratiquante, un tantinet bigote. Louis, son oncle, sert la messe le dimanche. Mais ce sont des " maranes ". Au XV° siècle, en Espagne, Isabelle la catholique impose aux juifs présents dans le pays un choix drastique très simple : la conversion ou le bûcher. Certains émigrent. Ses ancêtres paternels optent pour la conversion. Leur nom : Lévy. Ceux qui connaissent l'Ancien Testament savent peut être que les "Lévites", les membres de la tribu de Lévi jouissent d'un statuts tout à fait particulier au sein du judaïsme. Ce sont eux qui forment la caste des prêtres. Ils font partie des douze tribus fondatrices d'Israël, les fils de Jacob. A ce titre ils participeront à l'errance juive, après la fuite hors d'Egypte, sous la conduite de Moïse. Un jour celui-ci gravit l'Horeb, le mont Sinaï pour aller à la rencontre de l'Eternel, lequel lui fera dont des tables de la Loi. A son retour, quarante jours plus tard il découvre avec horreur que son peuple, privé de son chef, a sombré dans le culte des idoles en construisant un veau d'or. Moïse entre dans une colère terrible, renverse cette idole et brise au sol les tables de la loi.
Un détail souvent ignoré des Juifs eux-mêmes, concernant l'origine du statut spécial des membres de la tribu de Lévi : ceux-ci acceptèrent donc de tuer trois mille de leurs frères, obéissant aux ordres de Moïse, suite au sacrilège constitué par l'adoration d'une idole zoomorphe. Après la conquête de la Terre Promise, le pays de Canaan et l'élimination physique des autochtones, mes Cananéens, le pays fut partagé en onze territoires. Seule la tribu de Lévi ne s'en vit pas attribuer, en étant entièrement vouée au culte de Yaweh.
Fin de cette parenthèse Biblique. En ce début de seconde guerre mondiale, dans une France occupée par les Nazis il ne fait pas bon porter un tel nom. Si vous en doutez,allez jeter un oeil à cela.
Plus consciente que nombre d'autres Français Juifs ou, Maranes, " chrétiens portant des noms juifs "; la famille de Jean-Pierre Petit décide de falsifier son état civil, et pour plus de prudence quitte la capitale pour la station balnéaire de La Baule où le jeune J.P.Petit passera toute la guerre, seul en compagnie de sa mère dans une maison de vacances familiale, dans une situation d'extrême dénuement, mais à l'abri des rafles comme celle du Vel d'Hiv, qui sera par la suite perpétrée par la police française Vichyste. Pour mieux conserver le secret, la famille décide de le laisser dans l'ignorance de son patronyme. Cette situation perdurera après la guerre, quand celui-ci devient lycéen. Le père, malade mental, est interné juste avant la guerre dans un hôpital psychiatrique où il décèdera.
Adolescent, le jeune Petit découvre sa véritable identité à l'occasion d'un recensement. Seul parmi les membres de sa classe à être " omis ", et sur le conseil d'un de ses professeurs il se rend à sa mairie de naissance, à Choisy le Roi, près de Paris. Là-bas, l'employé municipal ne trouve nulle trace d'un Jean-Pierre Petit, né le 5 avril 1937. Sa mère lui révèle alors sa véritable identité.
Curieux, il part à la découverte d'une famille paternelle qui l'a complètement abandonné depuis sa naissance et jusqu'à son adolescence. Cette rencontre avec une famille paternelle, dont certains membres, grands propriétaires terriens sont plus qu'aisés, d'autres sont des ... catholiques bigots s'avère décevante. En France, le port de ce nouveau patronyme, qui ne s'associe nullement à l'apport que pourrait constituer la riche culture juive est vécu par l'adolescent comme nouveau un handicap qui s'ajoute à l'absence de père et à l'impécuniosité familiale. Son beau-père ( sa mère se remarie ) lui propose son nom : de Maison-Celles. Plébéien dans l'âme, Petit se voit mal porter un nom à particule et, se rendant au conseil d'état, dit à l'employé qui le reçoit :
- Je demande à m'appeler Dupont, ou Durand....
L'employé rit et lui répond :
- Ecoutez, vous avez porté le nom de votre mère jusqu'à présent. Nous allons simplement régulariser cela.
Un an plus tard l'extrait de naissance de Jean-Pierre Petit portera désormais la mention :
Né le 5 avril 1937 de Bernard Lévy et d'Andrée Christine Petit
Autorisé à porter le nom de Petit
Après cet intermède destiné à apporter des précisions claires et nettes face à certaines insinuations malveillantes de novembre 2005, reprenons le cours de cette histoire.
...Emergeant d'une vieille caisse, cette photographie de classe de Maths Sup au Lycée Condorcet de Paris. Quelques noms dont je me souviens. Boudaille est entré comme moi à Supaéro. Grand amateur de chemins de fer il conduisait des trains avec un de ses oncles et avait coutume de dire " à l'école, il n'y a pas beaucoup de gens qui en savent autant sur les locomotives que moi ".
A l'époque où Petit, adolescent, découvre la plongée sous-marine à Marseille il débarque souvent au Lycée avec les doigts piquetés de pointes d'oursins, après avoir plongé le week-end précédent avec son ami Roger Poulain, sur l'épave de la Drôme, à soixante mètres de fond, au large de Marseille, pour ramasser des langoustes. La photo ci-dessous a été prises à la fin des années cinquante, dans le petit port des Croisettes, près des Goudes, à l'extrême est de Marseille. Petit est à droite. Avec le "bob" blanc, son ami Poudevigne. L'été, et en général le plus souvent possible, Petit y mène une vie d'aventurier. A cette époque les plongeurs et les malfrats à chemises à rayures, chapeaux blancs et cravates noires se croisent, dans ces lieux retirés, encore très peu fréquentés, sièges de tous les trafics.
... Ce que les non-initiés ignorent, c'est que les hauts-fonds qui sont au large de Marseille, vers les îles, comme Riou la majestueuse, se peuplent de requins lorsque le mistral, soufflant plus de cinq jours d'affilée, a chassé toute l'eau chaude vers le large. Alors les eaux froides des fonds plus importants prennent leur place, entraînant avec elles tout leur écosystème. Puis ces eaux se réchauffent, assez vite, et, incommodés par ce réchauffement de température, les hôtes de ces eaux benthiques regagnent leur habitat naturel, filent vers le large. Les rencontres intempestives restent rares, car lorsque le mistral a soufflé pendant autant de jours, les eaux sont glaciales, et découragent les baigneurs, mais pas les professionnels, qui ont parfois maille à partir avec des animaux de forte taille. Dans ces années cinquante, Roger Poulain, "Tarzan" pour les marseillais, se fait dévorer une palme à cinquante mètres de fond, près de l'îlot du Planier. Le requin saisit Roger et le secoue, pour mieux cisailler les cinq centimètres d'épaisseur du caoutchouc de cette palme Cressi. La découpe est nette comme un coup de rasoir, au ras des orteils. Philosophe, Poulain commente, à son retour à terre :
- Eh bien, il voulait me manger le pied et il n'aura eu qu'un morceau de chewing-gum....
... Petit capturera plusieurs requins ces années-là, dont deux bêtes étranges et assez rares, deux "requins-renards", très reconnaissables dans les pages illustrées des dictionnaires : leur caudale est aussi longue que leur corps. Ces requins-là se sont jetés sur des poissons pris dans des filets et, ayant avalé leur proie, n'ont su se dégager du filet lui-même. Petit plonge et passe un noeud coulant autour de la queue des deux animaux (le plus grand faisait trois mètres de long). La remontée des bêtes semble ne pas poser de problème, à condition de se tenir à distance suffisante des mâchoires. Les dents des requins renards sont comparables à celles de leurs homologues de la Mer Rouge, que Petit côtoiera des années plus tard. Mais chez cette bête, le danger, c'est la queue, immense faux d'un mètre cinquante, comparable à une règle plate sur laquelle on aurait collé, pliée, une feuille de papier de verre. Celle-ci fouette l'air et ouvre le mollet du pêcheur. Points de suture.
...Ainsi, dans ce bout du monde aux portes de Marseille, dont les citadins ignorent l'existence (à cette époque Croisette ne possède ni l'eau, ni l'électricité) pêcheurs et plongeurs se rendent mutuellement service. Grâce aux seconds, les premiers sauvent leurs précieux filets, quand ceux-ci par exemple son pris dans une épave. En retour les pêcheurs signalent aux plongeurs les fonds sur lesquels, en calant leurs filets ils ont ramené quelque débris d'amphore.
... Le requin qui figure sur la photo jointe, quatre mètres vingt de long, a une autre histoire. Le moulinet qui a servi à le pécher est partiellement visible sur la photo, à gauche, derrière la vieille femme qui monte le sentier. C'est un ... treuil à bateau. Ce jour-là les pêcheurs signale un nouvel égaré, qui traîne dans la passe, entre le port de Croisette et l'île Maïre. Petit et sa bande ramassent tous les cordages qui traînent, les joignent au câble et treuil puis, approchant prudemment le monstre, qui est à une encablure à peine de l'entrée du port, par l'arrière, lui passent prestement un noeud coulant autour de la queue.
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...Après avoir tiré l'animal sur la plage, où il se débat, Petit et son équipe l'examinent. Non, ça n'était pas un "requin-tigre", comme initialement annoncé par un pêcheur un peu trop émotif, mais un simple requin-baleine, un pélerin. Sur la photo ci-dessus on voit ses immenses ouies, qui lui font les 3/4 de la tête, porteuses de peignes filtres. Dans la région il arrivait, à cette époque où les eaux étaient moins polluées, que les plongeurs croisent en pleine eau des spécimens dépassant sept mètres de long. Comme disait Roger :
- Ces bêtes-là, ça n'est pas dangereux, mais ça te colle un coup de queue, ça te ruine....
...Voici deux dessins, réalisés en 1960 par l'auteur. Le premier montre l'anse des Croisettes, vue de la terre. Au loin, l'île de Riou. Sur la plus haute de ses dents, un abri avait été aménagé dans l'antiquité, où l'on brûlait du bois, amené par des esclaves, et qui servait de phare pour la ville de Phocée. Un peu plus près, l'île Maïre. Le port des Croisettes en est séparé par une passe d'une trentaine de mètres de large. Au delà de l'île Maïre, non visible sur ce dessin, le lieu où coula le Liban en 1907 (voir plus loin). Au premier plan du dessin, un vieillard portant un seau : le seul habitant permanent du port, qui sauva de de nombreuses vies en se portant au secours des naufragés. Comme la ville de Marseille lui avait demandé ce qu'il souhaiterait en remerciement pour ce geste, il demanda qu'on lui construise un appontement, visible au fond et à gauche. Amarée, la "bête" de Roger Poulain. A droite, une croix qui fut érigée en souvenir du drame, qui fit deux cent morts.
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...Pour réaliser le second dessin, l'auteur dut traverser la passe, son carnet de croquis entre les dents.
..On retrouve le même personnage, avec son seau. A côté de lui, le treuil qui servit à capturer le requin. Sur la jetée, les bouteilles de Roger. Les lieux ont aujourd'hui un peu changé et ce dessin est l'unique témoignage de leur état, dans ces années soixante. A cette époque il n'y avait ni l'eau, ni l'électricité. Le poteau visible date de l'époque où les Allemands avaient aménagé une batterie, sur le versant sud de l'île Maïre. Le type au chapeau, qui lave la vaisselle au bout du quai, et celui qui se fait bronzer étaient mes compagnons de plongée. Sur la plage on voit notre canot pneumatique et notre moteur de 7,5 CV, matériel avec lequel nous allâmes récupérer la roue de gouvernail de "la Drôme", qui gît dans la baie de Marseille, à quelques miles de là, en pleine eau, par 52 mètres de fond.
..Sur la photo ci-après, Roger Poulain, prince des tombants, marquis des Farillons, reconverti en docte moniteur de plonge, donnant ses instructions à bord de son "pointu" (dix ou quinze années après l'histoire du requin).
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...En regardant bien on distingue "Centre de plongée des Amis de Îles" . C'était... il y a bien longtemps. A trois cent mètres vers le large, l'épave du Liban, un courrier de Corse qui avait coulé là-bas, par 37 mètres de fond, après sa collision avec "L'Insulaire", en 1907.
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Ci-après, le naufrage du Liban, extrait de la revue "L'Illustration"
1907 : Le Liban sombre par l'avant à quelques dizaines de mètres de l'île Maïre, proche dela côte marseillaise
...Il a pas mal changé. Ses tôles se sont un peu affaissées. Il y a 45 ans on entrait encore dans ses cales, on pouvait regarder par ses hublots, du moins ceux que Roger et sa bande n'avaient pas embarqués.
...A l'époque du requin, en 58, Petit embarque comme mousse sur une beau voilier, un beau tas de bois à l'ancienne : le " Milos ". Capitaine : Louis de Fouquières. La classe, la gentillesse, la générosité et l'humour.
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1..Depuis cette nuit, 31 janvier 2001, Loulou navigue dans les étoiles. Bonne route à lui.5juillet 2007 :Quand j'étais à Supaéro, on travaillait en " binômes ", par équipe de deux. Nous avons fait ces trois années ensemble, Jean-Pierre Frouard, originaire de Barbezieux ( à gauche ), dit "le barbu " et moi. Il est mort d'un cancer en 1987. Michel Serfati, également étudiant de notre promotion, avait un ami qui faisait des photos pour des revues. La revue Constellation, pour laquelle il travaillait, avait acheté un article sur le pillage de tombes étrusques et Italie. Mais on voulait leur vendre les photos un peu cher à leur goût. Nous fîmes donc ce cliché dans les catacombes de Paris, que nous connaissions comme notre poche. Les outils et la lampe sont authentiques. Mais le tête de la statue et la figurine de Tanagra sont en plâtre. Les poterie à l'arrière plan sont des accessoire empruntés à un théâtre.
Un été, Petit débarque sur l'île de Riou, au large de Marseille, à l'aide d'un minuscule canot pneumatique, avec son âme damnée Jean-Claude Mitteau, complice de toutes ses aventures. Ils ont leurs équipement à bord. Le but de cette expédition est de tenter de localiser une épave d'amphores dont ils détiennent les coordonnées approximatives. Mais l'île déserte ne l'est plus. Le couple Lecomte, Jean et Lulu, y campe. On fait les présentations Jean est grimpeur et emmène alors les deux plongeurs, quarante ans à eux deux, faire " les tours de Riou ", une escalade splendide d'une falaise surplombant la mer, côté grand large. Ils n'ont pas de chaussures mais suffisamment de corne sous les pieds pour pouvoir s'en passer. Ca sera le début d'une amitié qui dure depuis un demi siècle, qui les emmènera dans les falaises des Ardennes belges, puis dans le massif de Chamonix.
En tête : Jean Lecomte, sur la chandelle de Chaleux, dans les Ardennes belges. En second Jean-Pierre Petit, vingt ans
1..A Paris, Petit et ses amis escaladent les monuments, la nuit. L'hiver, la flèche de Notre Dame (qui, au passage, entièrement réalisée par Violet-Leduc, est en bois) remplace celle des aiguilles de Chamonix. Ci-après, Notre Dame par la voie sud.
Notre Dame de Paris, voie sud. Gravure de jean-Pierre Petit
Il serait déraisonnable d'attaquer cette voie sans équipement, corde, mousquetons. La première longueur ne pose pas de difficulté. Jean-Louis Philoche prétend que le surplomb qui donne accès à la toiture est en cinq sup. Mais, compte tenu des normes actuelles c'est peut être un peu surcoté. La flèche est en bois. En faisant un rétablissement en B, dans le château de la flèche, se méfier des fils de fer actionnant le carillon. Pas dangereux, mais si on se prend dedans, bonjour le boucan. J'ai fait la dernière longueur, le long de la flèche, par la face sud. Les gargouilles sont en bois. En arrivant à la flèche, en C, j'ai eu la surprise de découvrir que sur le versant nord il y avait des barreaux d'échelle. En haut on a accroché une culotte de dame, la plus grande taille que nous avions trouvée. Puis nous avons téléphoné au commissariat du quartier, au petit matin, en demandant s'il était normal que la femme de chambre de l'archevêque fasse sécher son linge là-haut.
Avec Jean-Claude et Philoche, pas mal de grimpes au fil des années, sur des constructions diverses. Un été : sur le clocher de l'église de Saint Tropez, récemment rénovée par le curé, lequel fait entièrement recrépir par des maçons italiens une merveille du XVII°, sculptée par le vent marin, en un bâtiment "refait à neuf" . Comble de raffinement, il avait fait poser des projecteurs éclairant le clocher en vert. La bande se hisse vers le clocher en grimpant, à bras, le long du câble du paratonnerre. Puis ils écrivent à la peinture sur le clocher :
Le clocher à la chlorophylle, bientôt les hosties au grand Marnier
L'acte d'impiété met le village en ébullition et il faut décamper en vitesse. Les gendarmes de Saint Tropez iront rapidement repasser une couche de peinture sur l'inscription, qui reépparaîtra lentement, au fil des années. Certains lecteurs doivent se souvenir de l'avoir vue.
...La médecine tente J.P.Petit mais son absence de mémoire des données lui barre ce chemin. Il écrit bien, mais son orthographe est catastrophique, ayant autant de mal avec les accords de participes qu'avec les masses atomiques des éléments chimiques....Il atterrit en mathématiques supérieures, en "maths sup", dans une "classe de prépa" du Lycée Condorcet. En chimie, les étudiants ont des moyens mnémotechniques pour intégrer les éléments de la table de Mendéléiev. Par exemple, la classique phrase :
Napoléon Mangeait Allègrement Six Poulets Sans Claquer.
Na : le sodiumMg : le magnésium Al : l'aluminium Si : le silicium P : le phosphore S : le soufre Cl : le chlore
Petit complète par les siennes. Par exemple :
Le Foetus, Complètement Nivelé dans les Cuisses de Zoé, se GarGarisait, Assez Sérieusement emBourbé dans la Krème.
Fe : le FerCo : le cobalt Ni : le nickel Cu : le cuivre Z(n) : le zinc Ga : le Gallium G(e) : le Germanium As : l'Arsenic Br : le brome Kr : le Krypton....Pendant trois années, il rame comme un malheureux, est bon dernier à la première épreuve de mathématiques, parce que celles-là l'ennuient. Par contre il excelle en géométrie descriptive, où il est capable de dessiner l'intersection de deux surfaces, immédiatement après que le professeur a terminé de formuler l'énoncé du problème. Sa vision "3d", liée à ses capacités dessinateur, est exceptionnelle, alors qu'à l'époque ces épreuves de dessin étaient le cauchemar des élèves des classes préparatoires ...De plus il est trop dispersé, s'intéresse à trop de choses, extérieurement au Lycée. Sa distraction est déjà légendaire. Un jour, le réveil sonne, à 7 heures. Vite, il prépare ses affaires, saute dans le métro de la place Pereire, gagne son lycée de la rue du Havre.Celui-ci est désert. Je suis en avance, se dit-il. Et il entreprend, sur un tableau noir, de réviser quelque exercice .A huit heures, le lycée est toujours désert. Petit est perplexe et le concierge, inquiet, est arrivé. En fait il n'est pas huit heures, mais vingt heures. Il s'est trompé de douze heures et est parti au Lycée à l'heure où les gens rentrent de leur travail. Il ne lui reste plus qu'à faire le chemin inverse.
Il entre à Supaéro avant-dernier.
...Petit survole pendant trois années les matières du programme, mais approfondit celles qui l'intéressent, dont la mécanique des fluides. Il acquiert alors dans ce domaine des connaissances qui vont bien en delà de celles du programme, en fréquentant la bibliothèque. Avec des compagnons d'école, il dirige "le haut commissariat aux farces et attrapes", qui laissera la direction de l'école traumatisée pendant de longues années. ...A l'époque Supaéro occupe trois étages dans un grand bâtiment de béton. Petit remarque que les étages deux et trois sont identiques. Seuls diffèrent les panonceaux qui sont au-dessus des portes. Aux fenêtres, dans les couloirs, des vitres dépolies jusqu'à mi-hauteur, sont là pour inciter les étudiants à se concentrer sur leurs études Il suffit de changer les lettres en plastique qui sont coincées dans les fentes d'un support tapissé de velours brun, sur ces panonceaux, pour changer l'apparence du second étage en celle du troisième étage, et vice versa. ...La nuit, lui et ses camarades bricolent les commandes de l'ascenseur des élèves et celui des professeurs. Quand on appuie sur le bouton du deux, on arrive au trois, et vice versa. ...Le lendemain le corps enseignant et le secrétariat sont sous le choc, d'autant plus que certains, utilisant leurs clefs, ont réussi à pénétrer dans les pièces. C'est la caméra invisible, vingt ans plus tôt. Certains sont si troublés qu'ils refusent les explications de l'inspecteur l'étude :
- Ce sont les élèves qui ont permuté le deuxième et le troisième étage.....
et rentrent chez eux.
...Petit et sa bande achètent une truite, qu'ils placent, de nuit, dans le célèbre bassin aux poisons rouges de l'École Normale Supérieure de Paris, les "Ernests". La truite les dévore. Ils écrivent alors à Normale Sup :
- Merci d'avoir pris notre truite en pension, mais nous aimerions bien la récupérer.
Mais les normaliens mangent la truite et rachètent des poissons rouges.
...A Supéro, Petit, dont l'attention avait toujours été stimulée hors des matières de son programme, découvre qu'il existe une autre activité, beaucoup plus passionnante que l'étude : la recherche. Grâce à l'appui de son professeur de technologie, qui fait réaliser des maquettes dans ses ateliers, il monte un laboratoire de mécanique des fluides au sous-sol, découvre l'inversion de l'effet de sol (rebaptisé et brevetée par la suite par la firme Bertin sous le nom de "Fix-Tromp"). |
(Voir à ce sujet sa bande dessinée "Si on Volait?"). Il rencontre le Roumain Coanda, inventeur d'un avion à réaction présenté au salon de ... 1909, ci-après : |
L'avion Coanda, équipé d'un moteur à réaction, au Salon de l'aviation de Paris, en 1910
...Aidé, dès le départ, par les solides connaissances théoriques dont il se dote, il calcule et expérimente ainsi la première tuyère disque supersonique.
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..Il étudie les aspects paradoxaux de jets minces hypersoniques d'air éjecté sous de fortes pressions, tangentiellement à une paroi lisse comme un miroir, à travers des fentes de quelques dixièmes de millimètre d'épaisseur.
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...Ses professeurs ne l'encouragent guère. Ils sont agacés parce qu'ils ne savent pas interpréter ses résultats expérimentaux. Le professeur de mécanique des fluides est stupéfait lorsque Petit, à l'aide d'un manomètre à mercure, lui démontre qu'il crée bien, dans sa tuyère-disque de sept centimètres de diamètre, qui n'émet qu'un chuintement discret, une onde de choc circulaire, stationnaire, de quelques dixièmes de millimètre de hauteur.
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..Faisant alors recours à l'analogie hydraulique, qui est à l'école enseignée par le professeur Malavard, il explique que c'est la même chose que dans un évier.
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..Le Mauretania, de la compagnie anglaise Cunard Line, mesurant près de trois cent mètres de long, fut lancé en 1907. Sistership du Lusitania, lequel fut coulé par un sous-marin allemand pendant la guerre de 14-18, ce qui entraîna l'entrée des Américains dans le conflit. Premier paquebot équipé de turbines à vapeur, et atteignant 51 km/h il conquit ainsi le "Ruban Bleu", qu'il conserva jusquen 1929.
...Quand Petit arrive au laboratoire, tout le monde est parti déjeuner. Ignorant délibérément les pancartes "restricted area, authorized persons only", Petit explore les halls, les uns après les autres.
...A l'époque, ce laboratoire de Princeton cherche à percer le mystère des soucoupes volantes, les Américains envisageant encore qu'il puisse s'agit d'engins secrets soviétiques. Une machine de neuf mètres de diamètre a donc été construite, mue par un "turbopropulseur" central. Celui-ci est utilisé pour comprimer l'air sous deux atmosphères, qui est alors dirigé vers une jupe annulaire et éjecté par une fente circulaire :
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...Les Américains espèrent ainsi aspirer l'air qui se trouve sur le dessus de l'appareil et y créer une dépression, donc assurer sa portance et sa propulsion.
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..Petit inspecte la machine sous toutes ses coutures, monte dedans. Puis, Bogdanoff étant revenu de son déjeuner, il lui explique qu'elle ne peut pas marcher et ce qu'il adviendra, lorsqu'on voudra la tester, que le coussin d'air sur lequel elle évoluera sera terriblement instable.
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...Bogdanoff s'étrangle. Il s'agit de recherches menées sous contrat avec l'Air Force, ultra-secrètes. Petit s'esclaffe, mais est aussitôt prié de faire ses valises. On ne plaisante pas avec le confidentiel défense. Il se retrouve dans un sou dans les rues de New York, où il gagne sa vie et son billet de retour en vendant ses dessins aux passants. Retour, toujours par bateau, sur le "Liberté", qui effectue là son dernier voyage, ayant été acheté par les Japonais, qui veulent en faire un hôtel flottant. En 1961 les charters n'ont pas encore été inventés.
...Le puissant navire met le cap vers le Havre, en pleine tempête, au mois de novembre. Le vent est trois quarts arrière. Au moment où Petit prend le frais sur le pont arrière, le bateau entre en résonance avec la houle, dont la distance de crête à crête est légèrement supérieure à la sienne. Le roulis s'amplifie rapidement et atteint, selon l'enregistreur, trente huit degrés. A quarante cinq, le bateau chavirait. Le capitaine préfère alors remettre le cap sur.. Terre Neuve, face à la houle, en attendant que la tempête se calme.
...L'incident fait deux morts : une passagère se brise le crâne en tombant de sa couchette sur son lavabo et un steward, qui n'ayant pas eu la présence d'esprit de lâcher le plateau qu'il transportait, se fracasse la tête au fond d'une coursive, victime de sa conscience professionnelle.
...Petit annule son sursis et effectue son service militaire comme sous-lieutenant (à l'époque les étudiants de Supaéro, bénéficiaient d'une formation militaire pendant leurs années d'école). Il est en principe destiné à être pilote de chasse, en Algérie, sur monoplan T6. Mais, découvrant par les témoignages d'anciens élèves l'horreur de cette guerre, il abandonne la chasse pour les transmissions et le chiffre.
Affecté à Fribourg, en Allemagne, dès son arrivée, il sollicite le colonel commandant la base aérienne.
- Mon colonel, je suis affecté au chiffrage des documents. Mais je viens d'apprendre que le capitaine commandant la section militaire de vol à voile (stationnée sur la base) venait d'être muté. Or je suis issu de l'École Supérieure de l'Aéronautique et j'ai mes brevets de vol à voile.
- Humm, réponds le colonel, féru de planeur, si je comprends bien j'ai le choix entre acquérir un bon dirigeant de notre centre militaire de vol à voile ou un officier du chiffre exécrable.
Il choisit la première solution.
...Sa mésaventure de Princeton détourne Petit pendant quelques années de la recherche. Délivré de ses obligations militaires, il partage alors son temps entre la plongée sous-marine, la lithographie, la montagne, la ferronnerie et le parachutisme à ouverture retardée.
...Mais la mode de la gravure et de la lithographie est passée. Petit descend alors dans le midi, auquel il a pris goût, et se fait embaucher dans un centre d'essai de fusées à poudre (la "Société d'Etude de la Propulsion par Réaction, à l'époque SEPR, devenue plus tard la SEP).
...La photo ci-dessous a une histoire. Les fusées sont essayées sur des bancs de poussée. Celle que chevauche petit est de taille assez modeste. On voit qu'elle est posée sur un lourd chariot, reposant lui-même sur des rails, non visibles. Tout au fond, la fusée pousse sur un dynamomètre. Pendant les quelques dizaines de secondes que durent le tir l'engin est observé grâce à un périscope, à partir d'un bunker souterrain situé à quelques dizaines de mètres de là. Petit est chargé des essais de ce type de propulseur fonctionnant avec un propulsif solide. Comme il arrive parfois que le bloc de poudre se fende et que la prise de feu qui en résulte accroisse la pression de combustion, pour faire face à cet incident, une "chapelle" a été disposée à l'avant de la virole cylindrique du propulseur. Elle n'est pas visible sur cette photo. Disons que c'est un dispositif comportant un diaphragme d'une certaine section, situé dans l'axe de l'engin, et qui est censé sauter lorsque la pression devient trop élevée.
... Lors de l'essai le bloc se fend effectivement. La pression monte aussitôt et le diaphragme lâche. Cette fuite de gaz est censée faire baisser la pression au point d'éteindre le propulseur. C'est ce qui résultait des calculs effectués par les concepteurs de la fusée que Petit était chargé d'essayer. Or, non seulement le propulseur ne s'éteint pas, mais le jet de gaz qui s'échappe, par l'avant, de la "chapelle", après éjection du diaphragme, s'avère fournir une contre-poussée supérieure à cette de la fusée elle-même, dont le divergent est visible, au premier plan.
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....La BD est signée "Mylos", pseudonyme de Petit à l'époque (qui était aussi le nom du voilier de son ami Louis de Fouquières, beau-père de Jean-Jacques Servan-Schreiber, fondateur du journal, alias ( "JJSS" ). L'histoire se double d'une anedote assez savoureuse. C'est à la demande de ce dernier que Petit avait composé ces planches. A l'époque Messmer faisait un discours à l'Assemblée, en séance de nuit. A un moment l'homme politique a un coup de barre, ne sait plus trop où il en est. Un silence gênant s'installe et Servan-Schreiber, alors député, lâche :
- Il est compact ......
...Rires dans l'hémicycles, beaucoup de gens ayant dans les jours précédent dévoré ces pages consacrée à l'ancien ministre des armées.
...A l'époque où il rédige sa thèse de doctorat, Petit commence à se coucier de se trouver quelques revenus additionnels. La bande dessinée, qu'il n'a jamais pratiquée, lui paraît dans ses cordes. Il adhère une demi-douzaine d'album Spirou, fait l'analyse de la manière dont ils sont construits, puis écrit une même une bande dessinée, qui sera publiée (sous le pseudonyme de Lartie Shaw) dans ce journal en 1965, en demie-page, hélas, ce qui interdira toute conversion en album. Depuis plus de trente années, il n'avait pas pu mettre la main sur un exemplaire complet de ce travail, égaré depuis longtemps à l'occasion de multiples déménagements. Un annonce, passée sur le site en sept 2001 provoque la réaction d'un fan canadien, qui possède un exemplaire relié de l'album "Le Voyage du Maxiflon" et le lui offre. En voici une page :
...
Un album qui, une fois scanné, rejoindra les bandes dessinées disponibles dans le CD qu'il diffuse.
...Parmi les épisodes de la vie de Petit, en voici un, singulier. En 1979 des collègues lui font adresser à son domicile Aixois un dossier de candidature pour un poste de ... cosmonaute. C'est la quête, lancée par le Cnes, qui se conclura par le recrutement deux candidats, militaires : Jean-Loup Chrétien, qui volera sur Mir, et son remplaçant Patrick Baudry, qui volera sur la navette Américaine. Personne ne se fait guère d'illusion sur le choix que feront les autorités, mais Petit donne suite, pour le principe. Cet acte de candidature lui vaudra le message suivant :
- Alors, vous avez l'intention de voler sur quoi ? Avion ? - Non. - Planeur ? - Hmmm. Vous faites du parachutisme ? - Non. - De la Montgolfière ? Du ballon ? De l'autogyre ? Interloqué, le médecin : - Ecoutez, monsieur. J'ai épuisé la liste de toutes les machines volantes que je connaissais. Vous avez pris rendez-vous pour une visite "PN". Sur quoi entendez-vous voler au juste ? . ..Petit lui tend le fax reçu de Toulouse et le médecin répond, ému : - Oh... vous êtes mon premier ... Cette photo doit dater de cette époque :
1975
Ci-après, une animation composée à l'aide de ce logiciel, représentantle modèle central du retournement du cube ...En vingt ans, Petit publie trente ouvrages, dont certains ont fait l'objet de traductions en sept langues (en 2011 : 34 langues, grâce à l'association qu'il crée par la suite : Savoir sans Frontieres. Mais, en France, sa position d'empêcheur de chercher en rond lui vaut quelques difficultés. Ses recherches sur les univers gémellaires inquiètent, car, à terme, elles pourraient rendre possibles les voyages interstellaires. Quant à celles menées sur des aérodynes discoïdaux capables d'évoluer en air dense à vitesse supersonique (thèse de B.Lebrun en 87), n'en parlons pas.
Dans le Méridional, 1991, après la sortie de l'ouvrage sur Ummo
...En 98 il réalise que ses recherches d'astrophysique et de cosmologie théorique, basées sur la théorie des groupes, sont devenues trop sophistiquées pour être comprise de ceux qui sont censés être les spécialistes de ces disciplines. Inversement, il remporte un succès croissant auprès des mathématiciens et des géomètres.
...En 96 les éditions Belin vendent 250 exemplaires pour chaque titre de sa collection "Les Aventures d'Anselme Lanturlu". Cent quarante en 97. De plus la maison d'édition, qui monte les prix au fur et à mesure que les ventes baissent, a refusé quatre Albums : Le Logotron, Joyeuse Apocalypse, Opération Hermès et le Chronologicon. Petit, qui détient les droits pour l'édition des ses œuvres sur support numérique (cd) décide de produire désormais ses albums lui-même.
...La presse boude ses ouvrages, en règle générale. "On a perdu la moitié de l'Univers", présentation vulgarisée de ses travaux de cosmologie et d'astrophysique, se vendra à cinq mille exemplaires, grâce à un lectorat de fans, en dépit d'un silence presse quasi-total, si on excepte une critique acerbe, publiée dans Pour la Science dans son numéro de juillet 98, sous la plume d'un simple technicien, à l'instigation d'Hervé This, rédacteur en chef. Petit réclame un droit de réponse, pour dénoncer l'incompétence du critique, en vain.
...Il avait, en 1977, pris au vol le train de la micro-informatique. En juin 98 il ouvre son site internet et récolte 30.000 consultations en deux ans, émanant de 86 pays.
... En 99 il décide de se remettre au parachutisme à ouverture retardée, après trente huit ans d'interruption. C'est bon, paraît-il, pour déboucher les artères. La reprise pose quelques problèmes. Petit ne reconnaît plus rien.
- Ils ont mis le ventral dans le dos.....
La poignée d'ouverture a aussi changé de place (depuis de longues années). Au lieu d'être sur le sein gauche, elle est sur la hanche droite. Les membres du club sont assez inquiets. La distraction de Petit est légendaire (sauf, en fait, quand il est occupé à quelque chose qui l'intéresse vraiment). Après avoir effectué le nombre réglementaire de sauts en "automatique" il effectue son premier saut en "ouverture commandée".
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Quelques années plus tôt :
On trouvera dans le site suivant une évocation biographique partielle qui n'est pas de la main de l'auteur mais contient pas mal de choses hélas parfaitement authentiques.
Juillet 2007 : Retrouvé dans mes archives, la réponse de Rovasenda, secrétaire scientifique du pape, suite à un courrier que j'avais adressé à ce dernier à propos de la théorie de l'hiver nucléaire, que mon ami Russe Vladimir Aleksandrov tentait de faire connaître. Il fut assassiné quelques mois plus tard à Madrid. Depuis, tout le monde a oublié son existence. A l'époque il tentait simplement d'attirer l'attention sur un aspect, aujourd'hui reconnu, que les lobbies militaro-industriel préféraient taire. On a passé un contrat sur lui et l'affaire a été promptement réglée. Son corps doit reposer quelque part, dans la banlieue de Madrid, sans doute coulé dans un pilier de béton.
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Courage, fuyons !
Quand on entreprend,
on a immédiatement contre soi
Ceux qui font la même chose
Ceux qui font le contraire
ceux qui ne font rien
Egypte, mai 2006. Dashour : la pyramide rhomboïdale
A cette époque, j'étais égyptologue. Disons que j'avais trouvé quelques trucs, relatifs à la construction des Grandes Pyramides. Ca a traîné quelque temps sur mon site, de même que d'autres pages, sur les navires de l'Ancien Empire. J'ai tout enlevé parce que dès que je le pourrai, j'en ferai un ou des livres. Tant qu'à faire....
J'ai planché sur ces questions un an ou deux, à temps partiel. C'était assez intéressant. J'avais même intégré une pièce en basalte trouvée près de la pyramide de la reine Khent Kawoues, à Giza, pour en faire une machine permettant de tirer, sur des rampes en pierre, des blocs de quarante tonnes.
Certains avaient cru voir dans cet objet une sorte de pseudo-poulie. J'y ai vu une pièce destinée à être encastrée dans un montant de bois, pour permettre le travail, dans usure, de trois cordes, portant sur des gorges sculptées dans le basalte. L'embase conique était alors partie s'enserrant dans le bois, tandis que le trou assurait son chevillage.
On avait même reconstitué au Palais de la Découverte, à l'occasion d'une exposition consacrée aux pyramides, un modèle réduit de cet engin, qui fut exposé, et permettait à des gamins de dix ans de hisser sur un plan incliné un bloc de 250 kilos.
Machine assurant le montage sur rampe de blocs de 60 tonnes
J'ai donné une conférence, là-bas, en 2007, je crois. A un moment, un égyptologue patenté, une certain Adam, m'a dit " vous avez utilisé une application moderne du levier ".
Là, je suis resté bête. Adam doit sans doute penser que le casse-noix a été inventé aux dix-huitième siècle, ou quelque chose comme ça.
Des mois avant j'avais échoué en tentant de publier ma théorie au BIFAO, au Bulletin de l'Institut Français d'Archéologie Orientale, là où tous les égyptologues français publient. Je n'ai même pas eu de réponse. Après ma conférence au Palais, j'ai abandonné l'égyptologie.
En fait, j'ai abandonné énormément de choses, dans ma vie, et je réalise avec le recul que j'ai eu raison. Je repense souvent à Jacques Benveniste. Nous avons été très liés, tous les deux, pendant de longues années.
J'ai connu tout ce qui a suivi ses premières expériences sur les hautes dilutions. Avant, Jacques était très bien vu, très introduit dans de nombreux milieux. Travaillant à l'INSERM 200 de Clamart ( l'INSERM est la branche médecine du Cnrs ) il tutoyait Lazare, directeur général de l'INSERM, qu'il considérait comme un ami (mais qui le relégua par la suite dans des baraquements Algeco, dans la cour de son ex-labo). Ayant découvert je ne sais quel perlinpinpin de la biologie, versant immunologie, le " PAF", je crois, on disait même qu'il était nobélisable.
Eh puis il y eut ce conflit violent avec la revue Nature, dirigée alors par un nommé Maddox. Jacques eut droit à une descente d'une équipe américaine, accompagnée par le spécialiste de l'illusion Randi. La cabale enfla contre lui. Beaucoup de traitèrent d'escroc, de faussaire. Un journaliste inventa l'expression " mémoire de l'eau ", qui fit le tour du monde.
Jacques fit front, comme un lutteur. J'ai assisté à des face à face où il défaisait ses adversaires avec brio.
J'ai entendu des phrases qui m'ont sidéré, comme celle d'un chimistes du Cnrs :
- Moi, je ne sais pas pourquoi l'eau est liquide à la température ordinaire, et ça ne m'empêche pas de dormir.
Hélas, les expériences étaient capricieuses en diable. On parle maintenant de "nanostructures" organisant l'eau à l'état liquide. Alors il n'y aurait pas " de l'eau", mais "des eaux". Je me souviens aussi que cette mémorisation alléguée, liée à la présence d'un effecteur, éliminé par un nombre incalculable de dilutions, disparaissait quand cette même eau était portée à 70°.
Et voilà qu'il y a un an, j'illustre le livre de mon ami Christophe Tardy, ingénieur Arts et Métiers, bataillant avec des systèmes de réduction de consommation d'hydrocarbures en y adjoignant de l'eau.
Très vite, il y a dix ans, j'ai pensé que cette réduction de la consommation, et de la pollution, pouvait être due à l'action électrocatalytique des molécules d'eau, électrisées par frottement, lors de leur passage, entre deux parois cylindriques concentriques, quand celle-ci est à l'état de brouillard, émergeant du " bulleur".
Dans le manuscrit de son livre, Christophe évoquait un moment de désarroi quand, ayant vendu des kits identiques à deux clients, qui les avaient adaptés sur le même tracteur, l'un lui avait écrit " je vous bénis. Dès les premiers essais j'ai fait trente pour cent d'économie", et l'autre "vous n'êtes qu'un escroc, remboursez-moi!"
Je m'étais dit : entre ces deux expérience, qu'est-ce qui diffère ?
L'eau utilisée.
Et Christophe de me confirmer : quand on porte l'eau au dessus de 70°, plus d'économie de carburant, plus rien ne marche.
Je l'ai tanné pendant deux ans pour qu'il monte une expérience simple. En utilisant l'eau du robinet de son labo et un groupe électrogène, il avait tant d'économie de carburant, avec son système de bulleur. Il était simple de faire une expérience de contrôle en prenant le même dispositif, le même groupe, le même carburant et la même eau. Mais dans ce second test l'eau serait chauffée à l'aide d'une résistance jusqu'à début d'ébullition, c'est à dire au delà de 70°.
Hélas il n'a jamais pu trouver le temps de faire cette expérience, toujours en suspens.
Aujourd'hui le prix Nobel Montagnier porte Benveniste au pinacle, dit qu'il est convaincu que le nom de celui-ci s'inscrira dans l'histoire des sciences. Les choses commencent à bouger. Mais comme je l'ai lu un jour dans un livre qui évoquait le triste sorte des innovateurs :
- Enfin survient la dernière alliée survient, qui apporte son renfort au novateur, comme l'hiver dans les campagnes russes : la mort, qui lui permet de remporter, post mortem, les lauriers de la notoriété.
Eh oui, un mort, ça ne réclame rien. En fait, ce qu'on ignore, c'est le destin d'hommes de science connus. On peut citer des noms par centaines. La chose est si banale que très rares sont les inventeurs qui profitent de leur vivant des bénéfices de leurs inventions. Citons quelques uns des plus connus, qui eurent ces destins tragiques. Philippe-Ignace Semmelweis (1818-1865) qui, à Budapest, découvrit, sans pouvoir en identifier le mécanisme (l'infection bactérienne) les bienfaits de laprophylaxie.
Semmelweis ( 1818-1865)
Après avoir subi tant de revers et d'injustice, sa raison sombra.
Jacques Boucher de Perthes (1788-1868), prenant la suite de nombreux prédécesseurs (J.F.Esper, 1774, John Frere, 1799, Ami Boue,1823, Crachay, même année, Breuner, Tournal, de Christi, 1823, Schemerling, 1829, Joly, Mac Enery, 1832) se battit vingt ans pour faire admettre l'idée qu'aient pu exister des hommes préhistoriques, des hommes qui auraient vécu, l'âge des strates biologiques où on avait découvert leurs ossements ou outils en témoignant, à des époquesantédiluviennes.
Jacques Boucher de Perthes (1788-1868)
Beaucoup de ces hommes n'ont laissé aucune trace. Beaucoup sont morts dans la misère, ou se sont suicidés. Frédéric Sauvage (1786-1857), inventeur de ... l'hélice, s'épuisa, se ruina. Ayant amplement démontré l'efficacité de son invention, il récolta l'avis suivant des Autorité Maritimes
- L'application en grand du système des hélices ne peut être adoptée; des expériences faites aux Etats-Unis ont démontré l'impuissance d'un tel système à grande échelle.
Sauvage, bafoué, emprisonné pour dettes, s'épuisa pendant dix ans face à l'indifférence du public, du gouvernement et des savants officiels. Plus tard son invention, tombée dans le domaine public, fut reprise par les Anglais.
Alphonse Beau de Rochas (1815-1893)
invente, en vain, le principe du moteur à quatre temps. Meurt dans la misère, complètement oublié.
Ludwig Botzmann ( 1844-1906)
finit par se suicider, face à son incapacité à promouvoir ses idées. Sur sa tombe se trouve gravée la formule donnant l'entropie.
Etc.
Mon ami Benveniste est mort sur une table d'opération, le coeur en miettes. Gravera-t-on un jour sur sa tombe :
Ci-gît Jacques Benveniste, l'homme qui eut le premier l'intuition que les protéines communiquaient à l'aide d'ondes electromagnétiques, en utilisant l'enveloppe de molécules d'eau les entourant comme antennes, émettrices et réceptrices, et comme source d'énergie, l'énergie électromagnétique ambiante. Il jeta les bases de ce qui devait se développer plus tard, auquel il avait donné le nom de biologie numérique.
Combien de fois lui avais-je dit :
- Jacques, laisse tomber, tu vas y laisser ta peau !
Moi, je suis vivant, parce que j'ai passé toute ma carrière à abandonner. Si je devais écrire mes mémoires, je titrerais
Comment réussir à échouer
Des lecteurs saluent mon opiniâtreté. Quelle erreur ! J'ai passé mon temps à tourner bride, après un dernier baroud d'honneur.
En 1965 je rentre à l'Institut de Mécanique des Fluides de Marseille. Deux ans plus tard, ayant compris les principes des plasmas bitempératures, je réussis à faire fonctionner le premier générateur MHD hors d'équilibre ( température de gaz : 4000°, température électronique : 10.000°). Tout s'effectue en une matinée. A mes collègues, chercheurs, sceptiques, je dis :
- Vous allez voir. Nous allons rajouter 2 % de gaz carbonique dans le mélange. Les électrons, en mettant ces molécules en rotation et en les faisant vibrer, vont perdre leur énergie, et la puissance produite tombera à zéro.
Et c'est ce qui se produit. Aussitôt le directeur de cet institut, Dieu ait son âme, entreprend de faire sienne cette découverte. La bataille dure des années. L'enjeu (non seulement scientifique, mais financier) est considérable. Les générateurs MHD d'électricité ont des rendements pouvant atteindre 60 %. Si on arrive à abaisser la température du gaz à 1500°, le procédé devient industriel.
Si, comme disent les Lacédémoniens....
Mais mes calculs me montrent que par cette méthode, cela sera impossible. Je me revois devant cette machine de dix mètres de long, ce " canon à électricité", me disant "si tu reste dans cette maison, tu vas devenir fou".
J'abandonne donc mon invention à la cupidité ambiante, qui se jette sur elle, sans savoir que ce tuyau est percé. Pendant ce temps (une courte année) je décide de devenir théoricien pur et me mets à avaler des mathématiques à la louche, journée après journée. En regardant le lourd appareil sorti de mes mains je me dis :
- Si tu veux filer d'ici, tu ne pourras jamais emporter cela sous ton bras. La seul façon de conquérir ta liberté est de devenir théoricien
Et pourtant je n'ai guère de goût pour les mathématiques, ce qui en surprendra plus d'un. Je comprend lentement, laborieusement. Christophe Tardy est comme moi, qui a inventé, nous cernant, l'expression, tout à fait appropriée à mon cas :
Turbolimace
Mais pour filer de là, tel le Comte de Monte Cristo creusant la muraille de sa prison du château d'If , j'aurais appris le chinois. Pendant des mois, mes collègues me voient aligner sur un tableau noir des hiéroglyphes, pour eux totalement incompréhensibles.
Cette époque de ma vie me rappelle une histoire. C'est un enfant qui séduit son auditoire en jouant merveilleusement du violon. Le public se précipite dans sa loge, le trouve en larmes L'un des spectateur dit :
- Madame, quelle sensibilité chez votre fils. Voyez ces larmes, après son merveilleux concert !
- Non, ça n'est pas du tout cela : il a horreur de la musique.
L'ouvrage que j'attaque s'appelle " the mathematical theory of non uniform gases", de Chapman et Cowling. Très vite, je découvre la méthode qui fera de moi le pionnier de la théorie cinétique des plasmas bitempératures (ce qui ne figure pas dans ma biographie, dans Wikipedia).
La planche de salut, extraits
Il est temps. Découvrant qu'il s'est jeté sur une planche pourrie, mon directeur-tyran me somme de reprendre la conduite des expériences. Je refuse. La tension est phénoménale. Celui-ci obtient de la direction générale du Cnrs une menace d'exclusion si je ne justifie pas de mes activités. Il sort le knout. Je peux en résumer l'issue à travers un dialogue entre sa secrétaire et moi :
- Monsieur Petit, notre directeur, vous allez le faire mourir !
- Pourquoi ?
- Eh bien, ce matin, il avait ce matin au téléphone madame Plin, la directrice du personnel au Cnrs, qui lui confirmait qu'elle vous avait bien envoyé la lettre de semonce demandée.
- Je sais. Je l'ai bien reçue et j'ai répondu en envoyant en retour le manuscrit de ma thèse de doctorat d'Etat.
- Monsieur Valensi ignorait que vous faisiez cette thèse, et ... en aussi peu de temps.
- Je n'avais guère le choix.
- Il a argué que cela ne pouvait être constitué que de calculs sans intérêt. Mais elle lui a dit que vous aviez joint une lettre élogieuse d'un mathématicien, d'un académicien, le professeur Lichnérowicz. Mais comment aviez vous connu ce monsieur ?
- A la terrasse d'un café, à Aix.
- Heureuse rencontre.
- La main de la Providence, madame.
Abandonnant la production d'électricité à l'aide d'explosifs, je me suis retrouvé dans un autre laboratoire, où je n'étais guère mieux loti. La hargne de mon ex-directeur me poursuivit là-bas, d'autant plus que cette affaire avait ruiné pour lui tout espoir d'entrer à l'Académie des Science de Paris, après le rapport que Lichnérowicz avait fait sur lui.
On peut me considérer comme un pot de terre qui a cassé plusieurs pots de fer
Au Cnrs, la confirmation d'embauche en tant que chercheur s'étendait sur cinq années. On entrait que "attaché de recherche". Après, ou on passait "chargé de recherche ", ou c'était la porte. L'échéance arrivait pour moi. J'avais soumis les travaux qui étaient à la base de ma thèse à la Revue de Mécanique, dirigée alors par Paul Germain, qui devait devenir plus tard secrétaire de l'Académie des Sciences.
Arrivait la dernière année où j'avais une chance de pouvoir être titularisé comme chercheur. Ca se présentait le plus mal possible. Cabannes, académicien, choisi par Germain comme rapporteur pour mon article, considéré comme un spécialiste en théorie cinétique des gaz, avait rendu son verdict :
- Ce travail traduit une méconnaissance profonde en théorie cinétique des gaz
Soudain, la porte de mon bureau s'ouvre. Entre une bande de Russes, accompagnés par une interprète ayant la carrure d'un capitaine de garde-côte.
- Monsieur Petit ?
- Oui
- Je vous présente le professeur Luikov, de Minsk. Le professeur Vélikhov ( qui allait plus tard devenir vice-président de l'académie des sciences d'URSS) lui a parlé de vous. Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
J'expose mon travail. La femme traduit comme une mitrailleuse. A la fin :
- Le professeur Luikov vous félicite. Il dit que grâce à cette méthode biparamétrique que vous avez inventée vous avez résolu un problème de mathématique sur lequel lui et son équipe ont buté pendant de longues années. Il demande où ce travail est publié.
- Euh... je n'y avais pas encore réfléchi....
- Nous serions très honoré de publier cela en Union Soviétique.
- Eh bien, pourquoi pas ...
Vendu, emballé, pesé, l'article de 12 pages est publié trois mois après, puis traduit en anglais (à partir du russe) par une revue américaine qui le publie à son tour.
Arrive la session de la commission, dont je dépendais, celle de la dernière chance. Le responsable syndical ouvre des yeux ronds quand je lui fais suivre les deux tirés à part et sourit.
- Joli doublé. Je crois qu'on va s'amuser.
Le jour dit, Germain, grand copain de Valensi, ouvre mon dossier avec emphase.
- Maintenant, nous allons passer au cas d'un chercheur que beaucoup d'entre vous ne connaissent que trop bien. Il s'agit de Jean-Pierre Petit. Je vais vous lire l'avis de l'expert chargé d'examiner le travail qui sert de fondement à sa thèse (il soupire, lève les yeux au ciel). Celui-ci dit en substance que cela révèle une méconnaissance profonde du domaine abordé.
La corde se tend. Le fer de la guillotine monte. Les présents sont appelés à voter en actionnant un bouton, version électrique du police verso des arènes de l'antiquité. Mais le responsable syndical distribue mes tirés à part à la volée. Les découvrant, Germain change de couleur, puis se ressaisit.
- Ah, eh bien voici un éléments nouveau !
Je passe chargé de recherche in extremis, ayant senti le vent du boulet.
Le lendemain, Génoche, directeur du laboratoire où j'ai atterri, m'accueille, avec le sourire le plus hypocrite qu'on puisse imaginer (il n'a pas levé le petit doigt pour m'apporter la moindre aide, pas plus que Raymond Brun, qui était censé être mon Directeur de recherche, bien qu'il n'ait pas compris grand chose à mes écrits, qu'il ne devait assimiler que beaucoup plus tard, à son profit).
- Alors, j'ai appris la grande nouvelle ! On va arroser ça.
- Non, on ne va rien arroser du tout. J'aimerais que tu me signes ce papier.
Guénoche ( qui a, au moment où j'écris ces lignes, comme Valensi, rejoint les mânes de ses pères) parcourt ces lignes :
- Qu'est-ce que cela signifie ? On requiert mon autorisation pour ton transfert à l'observatoire de Marseille. Mais que vas-tu faire là-bas ?
- De l'astrophysique.
- Ah... première nouvelle !
- J'ai déjà commencé, depuis un an. J'ai publié plusieurs notes aux Comptes Rendus de l'Académie des Sciences de Paris (grâce à Lichnérowicz).
- Mais... comment ?
- C'est très simple. J'ai transformé les électrons en étoiles. J'ai pris l'équation de Boltzmann et je lui ai enlevé son second membre. C'est devenu l'équation de Vlasov, que j'ai couplé à l'équation de Poisson. Puis j'ai construit une solution elliptique.
- Une solution... elliptique ?
- Chandrasekhar avait déjà fait des choses semblables. Moi j'ai utilisé des dyadiques.
- Des dyadiques ! ?
- Ce ne sont ni des insectes aquatiques, ni des divinités des forêts, mais des tenseurs d'ordre deux qui compactent les calculs de manière remarquable. C'est ce qui avait beaucoup plus à Lichnérowicz. Mais, si tu veux bien signer, là ....
Dix minutes après, avant jeté mes quelques livres dans une caisse en carton, j'avais quitté les lieux.
Un an plus tôt j'avais abandonné la théorie cinétique des plasmas pour passer à la dynamique galactique, "à la théorie des systèmes stellaires autogravitants". En fait, ayant décidé de quitter ce labo, qui n'était pas mieux que le précédent, je m'étais dit "au lieu de chercher ce qui m'intéresse, cherchons un endroit calme".
L'Observatoire de Marseille, à l'époque, avait tout d'une maison de retraite. J'étais entré dans les bonnes grâce de Guy Monnet, son directeur, en usant d'un subterfuge, dont je peux aujourd'hui révéler la teneur.
Polytechnicien, astronome, observateur, il avait trouvé plaisant d'être initié à cette élégante technique de calcul. Grâce à elle j'avais retrouvé, d'abord l'équation de Jeans, décrivant l'instabilité gravitationnelle, puis l'équation de Friedman, la cosmologie Newtonienne, découverte en 1934 par Milne et Mac Crea. Restait à mettre cet univers en rotation.
Nous avions convenu, Monnet et moi, d'entreprendre ensemble cette suite de mes travaux la semaine suivante. Mais évidemment, sur le trajet Marseille-Aix, dans ma 2 CV, j'avais fait tous ces calculs, dans ma tête.
Ca me rappelle une scène du film avec Paul Newman et Robert Redford " Butch Cassidy et the Kid ". A un moment, deux hors la loi essayent de se faire engager comme convoyeurs de fonds. Leur employeur potentiel veut tester leur adresse au tir et désigne une pierre située sur le chemin, à une dizaine de mètres. Il tend son revolver à celui qui est censé être le plus adroit des deux, rôle tenu par Robert Redford.
Celui-ci rate la pierre. L'affaire semble entendue. Mais le tireur demande à réessayer, et cette fois fait mouche. Il s'explique :
- Je .. je suis plus précis comme ça, quand je dégaine.
Moi je calcule mieux de tête. Mes professeurs, en mathématiques supérieures, s'arrachaient les cheveux.
- Ecoutez, Petit. Je regarde votre calcul, au tableau. Vous avez fait ici une erreur, puis vous êtes retombé sur vos pattes deux lignes plus loin. Là encore.... Au lieu d'user mes nerfs, pourquoi ne nous fournissez-nous pas tout simplement le résultat ? Et puis, qu'est-ce que vous cachez derrière votre dos.
- Rien....
- Si, quand vous faites des calculs numérique, vous avez toujours votre mains gauche derrière.
- C'est .. pour le retenues...
Vis à vis de Monnet, j'étais embêté. Lors de notre séance suivant, celui-ci ouvre le jeu en disant :
- Eh bien, nous allons voir si nous pouvons construire cette même solution, mais en introduisant cette fois une rotation.
J'ai eu l'impression de faire passer une planche à un étudiant. Ce fut laborieux. Quand il s'approchait de la solution, mon visage s'ornait d'un large sourire. Quand il s'en éloignait, je me renfrognais. Finalement, en fin d'après midi, il émergea du bureau blanc de craie, ravi :
- Nous avons trouvé !
Tout cela fut consigné dans une nouvelle note aux Comptes Rendus de l'Académie, présentée par Lichnérowiz.
Cela nous a mené en 1972 à la présentation d'un travail, lors d'un colloque d'astrophysique théorique, à Bures sur Yvette, à l'Institut des Hautes Etudes, consacré à la dynamique des galaxies. L'affaire fut saignante, grands dieux !
Je présente un travail de dynamique galactique, cosigné par Monnet. Au premier rang, un Américain, le professeur King :
- Ce travail présenté par ce Français est séduisant. Hélas, il contredit le théorème d'Eddington.
La salle se fige. On aurait entendu une mouche voler. King se tourne vers moi, tout sourire, persuadé de m'avoir terrassé. Et je réponds :
- Si vous l'appliquez correctement, cela ne vous arriverait pas.
Démonstration. King part dans les cordes ( un de plus...)
A propos d'un autre passage de ce papier ( que je dois toujours avoir dans mon grenier ) l'éminence grise de la spécialité, à l'époque, le professeur Lynden-Bell :
- Ce travail est forcément faux. Il aboutit à un résultat que personne n'a jamais trouvé. Ce résultat heureux ne peut être dû qu'à une erreur.
- Ecoutez. Quand on tient de tels propos, on ne peut pas le faire gratuitement. Nous sommes mardi. Voici le détail me nos calculs. Examinez-les. Si vous trouvez une erreur, je vous donnerai 50 dollars. Sinon c'est vous qui me les devrez.
La salle hurle.
- Lynden-Bell, accepte ce pari ! Lynden-Bell, accepte ce pari !
L'autre se saisit des feuillets et s'éclipse, rageur. Il ne réapparaîtra que le vendredi en milieu d'après midi, à la fin du colloque. La foule se rue sur lui.
- Alors, Lynden, as-tu trouvé une erreur ?
- Non, mais il y en a forcément une !
Mais il a oublié de me donner les cinquante dollars du pari.
Trente cinq années comme ça, non-stop.
Par la suite j'abandonné la dynamique galactique. Trop de blocages. Mes articles étaient salués par les referees par des lettres d'injures. Cela faisait sourire Monnet, qui disait :
- Petit n'a pas besoin de se présenter à ces gens. Il lui suffit de leur envoyer quatre équations, et ils pètent immédiatement les plombs !
Il m'avait surnommé " le neutrino ", car je pouvais traverser le laboratoire sans réussir à interagir avec qui que ce soit.
Toutes mes publications, fondées sur des approches originales, ont toujours été des bras-de-fer épuisants, que j'ai toujours gagnés. Sauf une fois.
J'ai abandonné l'informatique, après avoir été le docteur Knock de la faculté des lettres, puis le sous-directeur du centre de calcul d'Aix-Marseille, grâce à l'aide de Robert Romanetti, mon sympathique directeur (qui dépendant de la fac des sciences de Marseille, les deux universités étant jumelées), avec qui nous avons fait quelques belles escalades, dans les calanques. A cette époque j'ai conçu le premier logiciel de conception assistée sur ordinateur tournant sur un micro-ordinateur. L'histoire était partie d'un pari fait avec un spécialiste des insectes, au cours d'une soirée arrosée. J'avais dit être capable de construire un logiciel montrant ce que voyait une mouche, c'est à dire à la fois devant et derrière sa tête, simultanément. Vous connaissez les objectifs fish-eye, où l'horizon de la vision latérale s'inscrit sur un cercle, centré sur " le point axe de vision ". L'objectif fly's eye ajoute un cercle concentrique supplémentaire, image du " point occipital ".Voir le livre Pangraphe.
Je suis même à l'époque passé à la télévision, à TF1, pour une toute autre raison, en montrant une animation tournant sur un Apple IIe ( 48K, horloge à 2 mégahertz ) : le survol d'un village, avec parties cachées éliminées. Les spécialistes s'étaient demandé comment diable je pouvais faire calculer aussi vite une telle brouette. En fait les images étaient " précalculées " et stockées sur ces plats à barbe qu'étaient les floppy disks cinq pouces (128 K). Les pages écran faisaient 8 K. Une "carte extension mémoire ", récemment sortie par Apple, permettait d'engranger 32 image et une molette, un "paddle" ( la souris n'avait pas encore été inventée ) permettait d'enchaîner ces images à l'écran, à raison de dix par seconde. Il est resté de tout cela l'ouvrage " Pangraphe ", édité chez PSI. Sept mille exemplaires à l'époque ( fin des années soixante dix ). Un livre qu'utilisèrent par la suite de nombreux développeurs français de systèmes de CAO, plus élaborés, évidemment.
Sans je savoir, je préfigurais le CD-rom. Mais un peu trop tôt, comme d'habitude.
Cette période suivait de peu mon accident du travail de 1976 ( l'électro-aimant de 250 kilos qui m'était tombé dessus, à l'observatoire de Marseille, où nous avions installé, dans une cave " le laboratoire où l'avenir appartient déjà au passé " pour reprendre l'expression des Muppet Shows ). En peu d'années j'avais informatisé toute la fac, inventé un système de vision en relief baptisé la stéréocyclette ( un moteur, monté sur le casque de l'opérateur, commutait deux images, sur l'écran d'un Apple II, à l'aide d'une instruction peek, ou poke ( je ne me rappelle plus laquelle ). Le tout étant synchronisé par des caches rotatifs, masquant alternativement un oeil ou l'autre. Ce qui avait fait dire à un de mes collaborateurs de l'époque :
- Certes, on voit en relief, avec ton truc. Mais avec le bruit, il y a un risque de devenir sourd...
Si j'étais resté là-bas, j'aurais créé un labo de robotique ( la bande dessinée A quoi rêvent les Robots date de cette époque ).
Mais construire dans une faculté des lettres équivaut à labourer dans un champ de cailloux. Un jour un chercheur en psychologie, Gérard Amy, barbu, me rejoint à la cafeteria et me dit :
- Je reviens de la réunion du Conseil de l'Université. Je t'ai vachement défendu : j'ai été le seul à m'abstenir.
Mon café m'est remonté dans les narines. Je me suis étranglé. J'ai couru dans mon bureau et rédigé une lettre de démission que j'ai jeté dan la boite aux lettre du bureau du président de l'université, avant de m'enfuir en courant.
" Courage, fuyons ! "
Encore une fois, pas la dernière...
J'ai donné un moment dans les mathématiques (Le retournement de la sphère, Pour la Science, janvier 1979), mais là aussi j'ai dérangé, comme d'habitude. Il est resté de cette aventure une maquette de la surface de Boy, qui trôna vingt cinq ans dans la salle pi du Palais de la Découverte.
Après j'ai fait une rechute de quelques années, en MHD, et ... que sais-je encore ? Ah oui, l'égyptologie, simple " touch and go " de dix huit mois.
Et tout cela fait que je suis encore vivant.
Benveniste, lui, s'est fait tuer sur place.
En matière de recherche, le salut est bien souvent dans la fuite
Quand je repense à mes premiers vols sur Piper Cub, à Guyancourt, j'avais l'impression d'avoir effectué certains la fenêtre ouverte, et je me demandais si je ne m'emmêlais pas les pieds dans mes souvenirs. Sur ces anciens modèles, équipés d'un moteur flat four, sans radio, et où on démarrait les hélices à la main, les vols solos se faisaient en place arrièe. Ce piper était un avion d'observation. Cette photo montre que je n'avais pas rêvé. Même système de coinçage que sur les 2 CV:
Voler avec la fenêtre ouverte, comme dans les 2 CV
Novembre 2011 : J'ai retrouvé à Paris, dans un restaurant, Jean-Pierre Dorlhac, de ma promotion de Supaéro 1961.
Jean-Pierre Dorlhac, en 1961
Il avait organisé un dîner pour " les cinquante ans de la promo ". Il y en avait déjà 17 qui avaient passé l'arme à gauche, ma doué !
Je n'ai pas voulu venir à ce dîner, cinquante ans après. J'ai à vrai dire eu un peu peur de possibles réactions d'anciens camarades. Je me rappelais avoir localisé, dans ma région, Jean Conche, qui avait fait carrière comme ingénieur d'essais en vol, en finissant à Istres. Je m'étais dit "un type qui a fait une telle carrière doit avoir gardé une certaine ouverture d'esprit".
Jean Conche, en 1961
Je me trompais. Quand j'ai trouvé les coordonnées téléphonique de ce gars, j'ai eu droit à une conversation téléphonique, du genre douche froide :
Lui : Il y a une chose que j'ai toujours admirée chez toi, c'était la façon dont tu pouvais te foutre de la gueule des gens, dans tes livres.
Moi : Mais ... Jean .... je ne me fous pas de la gueule des gens, comme tu le crois. On devrait se voir, en parler....
Lui : Hmmm.... Pas la peine. J'ai ma petite idée là-dessus.
Ca m'avait blessé, car j'ai beaucoup donné de moi-même dans ma carrière scientifique, et payé cher mon honnêteté. Mais il était inutile d'insister. Ceci étant, je ne voulais prendre le risque d'une telle déconvenue lors de ce dîner.
J'ai retrouvé Dorlhac en tête à tête, dans un restaurant. Evidemment, en 50 ans, on change un peu. Mais lui, dans sa tête, non. J'ai appris à cette occasion que c'était lui qui, a Guyancourt, avait laissé la queue d'un Piper Cub sur la piste, lors d'un atterrissage trop cabré.
Sur cette vieille photo on retrouve un certain Durand (qui était, je crois, venu à ma conférence au Palais de la Découverte, sur la construction des pyramides).
Durand, en 1961
Son nom m'évoque un souvenir mémorable. Quand nous étions à Supaéro, nous apprenions à piloter ces superbes Piper Cub. Un jour notre moniteur, un russe blanc nommé Kupkas, haut en couleur, décide de me lâcher. A l'époque, ça n'avait rien à voir avec aujourd'hui. Les appareils n'avaient pas de radio. Un élève lâché était vraiment livré à lui-même (voir l'atterrissage de Dorlhac). De plus nous étions lâchés après 5 à 7 heures de vol.
Kupkas sort de l'appareil, et je pars faire mon premier atterrissage sol. Ca se passe bien. Aux commandes d'un Piper, à l'atterrissage, on ne voyait plus grand chose devant, une fois l'appareil cabré. La recommandation était d'observer les brins d'herbe, sur la piste. Si on les distinguait bien distinctement, c'est ... qu'on était près du sol. Quand on tirait sur le manche, le Piper se posait comme un cheval dont on tire la bride et qui relève la tête.
J'enchaîne les tours de piste, les décollages, les atterrissages. A un moment, alors que je m'apprête à redécoller Kupkas s'approche, me fait signe de mettre au ralenti, et me dit :
- Je vais lâcher Durand, sur un autre appareil. Restez à distance, hein !
- Entendu.
Je redécolle et je continue mes manoeuvres en veillant à ce que le petit Piper jaune canari de Durand rester bien loin de moi. Soudain je le perds de vue. Et tout à coup je le vois qui me fonce dessus. Je me dis " il est devenu fou !". Je botte à fond en mettant les gaz. S'en suivent des minutes de dogfight que je n'oublierai jamais de ma vie. Imaginez un débutant, à son premier vol lâché, pris en combat tournoyant. Impossible de le semer. Je finis par décider de me poser. Mon poursuivant ne me lâche pas et se pose à côté de moi. Je coupe les gaz, en nage. Alors émerge de l'appareil ... Kupkas, qui crie, en agitant les bras au dessus de sa tête :
- Mais qu'est-ce qui vous prend ? Quand je m'approche pour voir comment vous volez, vous fichez le camp !
- Excusez-moi, je croyais que c'était Durand....
- Ah ... alors... c'est pas mal...
Un autre devait nous rejoindre, Dorlhac et moi, dans ce restaurant. C'est cette grande carcasse qu'on aperçoit derrière moi : Nicolas Gorodiche.
Nicolas Gorodiche, en 1961Devant, la face rougeaude de l'adjudant Béjot
Mais il n'est pas venu, trouvant quelque prétexte. Je crois ... qu'il est devenu sérieux, depuis le temps. A l'époque de la photo, nous ne l'étions guère. C'est peu de la dire.
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